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Hantises

6

Le masque tombe

- Et ma fille ?

- Nous ignorons l’endroit où elle se trouve.

Prise de vertiges, je ne tiens pas compte des recommandations de l’infirmière. Incapable de rester calme, je pousse un hurlement rauque, profond. Les vannes sont ouvertes. Mes larmes humidifient les pansements. L’aiguille du moniteur s’emballe. Une équipe médicale arrive en renfort. On me transfuse des doses d’anxiolytiques.

Ils sont toujours en vie. Aucun corps n’a été retrouvé. Raisonne-toi ma fille !

La police a trouvé du sang. Seulement du sang.

Tant bien que mal, je réussie à me calmer. Si je veux les retrouver, je dois rester lucide.

- Quand ont-ils disparu ?

- Le jour de votre accident, me répond l’inspectrice Landro. Votre mari a été contacté le matin même par l’hôpital. Le rapport de police stipule qu’il a appelé toutes les demi-heures pour prendre des nouvelles. Ensuite, il a récupéré votre fille à la sortie de l’école, puis ils sont rentrés à la maison. Le soir, il aurait contacté l’hôpital une dernière fois aux alentours de 21 heures. Denis Blanchard aurait informé une infirmière qu’il passerait le lendemain matin. Il n’est jamais venu. Tout comme il n’est jamais retourné travailler, et Tess n’a pas remis les pieds à l’école. Lors d’une enquête de voisinage, l’un d’eux a reconnu avoir entendu des éclats de voix venant de votre domicile.

- Et vous faite quoi depuis tout ce temps ?

- Mes collègues sont sur le coup. Je vous promets que nous mettons tout en œuvre pour les retrouver. Votre mari pour disparition inquiétante, et votre fille qui est mineure.

- Hector ? Ça ne peut être que lui !

- Nous l’avons interrogé à plusieurs reprises. Aucun élément ne permet de le relier à notre affaire.

- Vous avez fouillé son domicile ?

- Ça n’a rien donné.

Le cerveau en ébullition, je réfléchie. Trop d’éléments à assimiler en même temps.

Une sonnerie. La fliquette dégaine son téléphone, et raccroche trois minutes plus tard le teint blafard.

- Que se passe-t-il ?

- Vous connaissez le cabanon des Dunes, près de…

- A la pointe du site de l’étoile bleue, je complète d’un ton laconique.

Landro acquiesce d’un hochement de tête.

Comment pourrais-je oublier ? Le cabanon appartient à la famille de Denis. A l’époque, nous passions des heures à nous y cacher.

- Ils ont retrouvé des fioles vides à l’intérieur. Les analyses démontrent qu’elles auraient à un moment ou un autre, servies à stocker le sang retrouvé dans votre salon. Ce qui signifie qu’il y a eu préméditation. Votre mari aurait de manière régulière, prélevé de son propre sang, afin de simuler sa propre mort.

- C’est impossible !

- Je comprends votre réaction. Mais les faits sont là. Les gens ne sont pas toujours ce qu’ils paraissent.

Je ne peux pas la croire.

- Madame, connaissez-vous un endroit où votre mari pourrait se cacher ? Nous supposons qu’il se trouve avec votre fille.

Non ! Non ! Non !

Je refuse d’y croire.

- Vous vous trompez !

- Les analyses sont formels. Tout concorde. Hector Blanchard dit n’avoir aucune nouvelle de son frère. Imaginons que votre mari se soit senti tiraillé entre sa famille et vous, il aurait ressenti le besoin de prendre le large.

- Je suis sa famille ! Notre relation est basée sur la confiance. Forcément, il m’en aurait parlé.

Face à mon entêtement, la fliquette capitule.

Et si Denis ne m’aimait plus, tout simplement. Jamais il n’aurait abandonné Tess. La fuite était sa seule échappatoire.

22h37. Je me retrouve seule dans la chambre. Clouée au lit, incapable de bouger. Avant de partir, l’inspectrice a promis de me prévenir dès qu’ils auraient du nouveau. En attendant, je colmate. Soudain, j’entends le grincement de la porte. Une silhouette apparait. Elle se déplace sans faire un bruit. Et s’approche pour me faire face. Je pousse un gémissement.

Il pose sa main sur ma bouche pour m’empêcher de crier. Je fais un signe pour dire que j’ai compris. Rassuré, il me laisse reprendre mon souffle.

- Hector !

- Moins fort, personne ne doit nous entendre.

- Que fais-tu ici ?

- Six mois que je paye une infirmière pour qu’elle me face régulièrement un topo de ton état. Dès que j’ai su pour ton réveil, j’ai sauté dans ma voiture.

- Qu’as-tu fait de Denis et Tess ? Ils ont trouvé du sang appartenant à Denis.

Hector esquisse un sourire mesquin.

- Les vrais jumeaux partageant le même patrimoine génétique, ils ont les mêmes groupes sanguins et tissulaires.

Je reste stoïque.

- Tu veux dire que…

- C’est mon sang, tout à fait. Si tu n’étais pas là, Denis ne serait jamais parti, Lisa ne croupirait pas en prison. Tu as brisé ma vie. Avant de te tuer de mes propres mains, je voulais lire la peur dans tes yeux.

Impossible de me défendre. Hector récupère mon oreiller, le pose sur mon visage, et appuie. Je suffoque.

- Tu as fait de ma vie un enfer !

Je sens la pression de ses mains s’accentuer.

- Adieu ! Va pourrir en enfer !

Je me sens partir, lorsque j’entends un bruit lointain. Strident.

Le ralentissement de mon rythme cardiaque alerte le moniteur qui se met à siffler. Hector n’a pas le temps de m’étouffer, qu’une équipe médicale débarque en trombe.

La police arrive rapidement sur les lieux. Hector est appréhendé et transféré au commissariat.

Au cours de l’interrogatoire, mon beau-frère craque. Le soir de l’accident, il se rend chez nous pour convaincre mon mari une dernière fois. Il lui montre les fioles de sang, et explique qu’ils vont faire croire à la mort de Denis, ainsi il pourra se libérer de moi et garder Tess. Pour le reste, ils aviseront. Denis refuse. Hector sort un flingue. Il ordonne à mon mari de monter dans sa voiture. Il le tue et l’enterre dans la propriété familiale. Pour ne pas éveiller les soupçons, il cache Tess en Bretagne, chez un couple d’amis. La police me la ramène.


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