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Hantises

5


Au bout du tunnel


Ma vue se brouille. La respiration devient difficile.

Autour de moi, la pièce se distord. Ne restant plus qu’un amas de couleurs difformes.

Je me sens aspirée. Incapable de résister, je me laisse happer.

Mon corps finit par tomber lourdement sur le sol.

Le néant.

Dans l’obscurité, j’ai l’impression de flotter. Suis-je morte ? Suis-je condamnée à errer dans les ténèbres pour l’éternité ? Tess ! Denis ! Où êtes-vous ?

Soudain, j’entends des murmures.

Les voix se reprochent.

On m’appelle. Impossible de répondre, aucun son ne sort de ma bouche. Ma tête se met à tourner d’une force inouïe. J’ai l’impression qu’elle va exploser.

A nouveau, je me sens happée, entrainée dans un tourbillon. Au bout d’un moment, le calme retombe. Je suis allongée. A travers mes paupières, je perçois une source lumineuse.

J’ouvre un œil. Puis l’autre.

Une chambre aseptisée. Des infirmières qui s’affairent autour de moi. Je comprends que je me trouve dans une chambre d’hôpital.

- Doucement, me prévient l’une d’elle. Pas de geste brusque.

Je reconnais un visage familier. L’inspectrice Landro. Que fait-elle ici ?

Après un effort considérable, j’arrive à aligner trois mots. L’infirmière m’intime de ne pas parler. Elle jauge la policière d’un air sévère.

- Il est trop tôt pour l’interroger. Ma patiente a besoin de repos.

- Maintenant ! Tous les regards se tournent vers moi. J’insiste :

- S’il-vous-plait, laissez-moi parler à l’inspectrice. Je veux comprendre ce qui se passe.

- C’est vous qui voyez.

Landro s’approche.

- Comment vous sentez-vous madame Blanchard ?

- Fatiguée.

- Vous avez sacrément été amochée. C’est un miracle que vous soyez toujours en vie.

Soudain, je réalise. Mon corps est recouvert de bandage. Des électrodes parcourent mon torse. La perfusion qui perce mon bras se trouve être un mélange de morphine et de cortisone.

La tête dans le brouillard, j’explique que je me suis évanouie dans la joaillerie.

Perplexe, l’inspectrice s’adresse à l’infirmière. Celle-ci me caresse la main.

- Madame, vous avez subit un gros choc, il va falloir du temps pour vous remettre.

- Du temps ? Mon mari et ma fille ont disparu ! Vous êtes venue chez moi ce matin.

Les deux femmes se regardent. Finalement, l’infirmière prend la parole.

- Madame, vous êtes chez nous depuis six mois. Vous venez juste de sortir d’un profond coma.

- Que s’est-il passé ? je demande d’une voix blanche.

Avant qu’elle n’ouvre la bouche, la réalité me revient. La voiture.

Je marchais sur le trottoir, lorsqu’un véhicule m’a renversé. Le reste est facile à comprendre. Mon cerveau a tout imaginé, me plongeant dans le pire des cauchemars. Cependant, cela n’explique pas la présence de l’inspectrice Landro.

- Madame, Comment sont vos rapports avec votre mari ?

- Nous nous aimons. Je ne comprends pas votre question.

- Vous arrive-t-il de vous disputer ? insiste l’inspectrice.

- Comme tous les couples. Ce n’est jamais bien violent. Exceptée la veille de l’accident.

- Racontez-moi.

Je balbutie. Les mots sortent difficilement. Pourtant je me souviens de ce soir-là dans les moindres détails. J’hésite à me confesser. Cette histoire ne regarde personne. Mais si c’est le prix à payer pour que tout redevienne comme avant, je me lance.

- Il y a plus de sept ans, Denis et moi avons quitté la Bretagne pour nous installer à Mulhouse. Nos deux familles désapprouvaient notre union. Par amour, Denis a quitté l’entreprise familiale, un mas d’ostréiculture. Nous pensions avoir définitivement tourné la page avec notre passé. Mais il y a quelques semaines, Hector, le frère de Denis, a cherché à joindre mon mari pour le supplier de revenir au mas. Leurs parents sont devenus trop âgés pour poursuivre l’activité. Au début, Hector se contentait de jouer les victimes. Selon lui, l’absence de son frère menait l’entreprise tout droit à la faillite. Lisa, sa femme, se plaignait de ses absences. Il se disait sur le point de tout perdre. Denis et moi étions d’accord pour ne pas céder.

Je reprends mon souffle. Les souvenirs sont vivaces. La douleur si intense.

- Hector a fini par se montrer plus menaçant. Il accusait Denis de détruire sa famille. J’ai bien senti que Denis flanchait. Vous savez, mon mari est un homme droit, intègre. Et pour couronner le tout, Hector a débarqué à l’improviste.

- Quand ? demande la policière, décontenancée.

- La veille de l’accident. Le soir, je me souviens que nous gardions à dormir la fille des voisins. Une fois les filles couchées, Denis m’a expliqué avoir déjeuné avec son frère. Je suis restée sans voix. Puis, il m’a avoué qu’il réfléchissait à la proposition de son frère. Il refusait de retourner là-bas, mais ils avaient besoin de lui. Cette révélation m’a fait entrer dans une colère noire. Le ton est monté. Je sais que les enfants nous ont entendu. Le lendemain, nous n’avons pas eu le temps d’en discuter. Juste avant l’accident, je suis entrée dans une cabine téléphonique. J’ai appelé Hector pour le sommer de nous laisser tranquille. Il n’a rien voulu entendre.

Les questions fusaient dans ma tête.

- Où sont Denis et Tess ? Qui conduisait le véhicule qui m’a heurté ?

Landro prend son temps. Elle choisit ses mots.

- Madame, Je dois vos annoncer qu’il ne s’agit pas d’un accident. Vous avez volontairement été renversée.

Sous le choc, je reste muette.

- Lisa Blanchard, la femme de votre beau-frère Hector, se trouvait être la conductrice du véhicule.

- Vous devez vous tromper…

- Elle a reconnu les faits. Cette femme a accompagné son mari jusqu’ici. Depuis deux jours, elle vous suivait à la trace. Selon elle, vous étiez la cause de leurs soucis. Denis aurait abandonné sa famille à cause de vous. Selon ses dires, elle attendait une opportunité pour vous accoster, et vous supplier de convaincre Denis de rentrer. En vous voyant sur le trottoir, la tentation aurait été trop grande. Elle aurait perdu le contrôle d’elle-même. Suite à l’accident, elle a été hospitalisée, puis placée en détention provisoire en attendant son procès. Son avocat plaide la folie passagère.

- C’est pour cette raison que vous êtes ici, vous aviez besoin de ma déposition.

- Pas seulement. Votre mari et votre fille ont disparu. Vous avez dû m’entendre l’évoquer lorsque vous vous trouviez dans le coma. De plus, d’importantes flaques de sang ont été retrouvées dans votre salon. La quantité relevée est trop importante pour ne pas être mortelle. J’ai le regret de vous annoncer que ce sang appartient à votre mari, Denis Blanchard.

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