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Hantises

4

La traque


- Je ne comprends pas.

L’inspecteur prend la parole. Son ton est moins conciliant. Il pense que je fabule.

- La salle-de-bains, contient tout le nécessaire de toilette d’une femme. Rien ne rappelle la présence d’un homme ou d’un enfant. La chambre d’enfant contient seulement des jouets. Sa penderie est vide. Tout comme votre penderie ne contient aucun vêtement masculin.

- C’est impossible !

Je peine à respirer.

Que m’arrive-t-il ?

Denis ! Tess !

- Madame, je vous en prie, calmez-vous.

Je file en trombe dans la chambre de ma fille suivie par les deux agents qui me dévisagent comme si j’étais folle.

L’inspecteur avait raison. La penderie est vide. Les affaires de Denis ont également disparu. Dans la salle-de-bains le gobelet qui trône près du lavabo ne contient qu’une seule brosse à dents. La mienne. Je fonce dans la cuisine tête baissée. J’ouvre les placards, le frigidaire.

Les céréales de Tess.

Le pack de bières de Denis.

Il ne reste plus rien.

Je me pince violemment.

Tu ne rêves pas.

La femme m’attrape par les épaules.

- Venez vous asseoir.

Complément vidée, je me laisse choir sur une chaise.

- Avez-vous un proche que nous pouvons contacter ?

Incapable de parler, je hoche négativement la tête. Je n’ai qu’une seule envie, hurler. Mais si j’explose, ils vont me mettre une camisole de force. Alors je me retiens.

- Madame, prenez-vous des médicaments ? Etes-vous sujette à des crises de panique ?

Une manière polie de me demander si je souffre de paranoïa.

- Non, je ne suis aucun traitement.

Les deux agents sont désemparés. Ils se jettent un regard de connivence.

- Ecoutez, nous allons vous laisser vous reposer. Nous repasserons dans la matinée vérifier si tout va bien.

- Ma fille s’appelle Tess Blanchard. Je vous en prie, vous devez la retrouver.

- Nous prenons vos coordonnées. Je vous promets de vous rappeler dès que possible. En attendant, reposez-vous.

Ils attendent que je m’allonge pour s’éclipser. J’entends le moteur de leur véhicule s’éloigner. J’en profite pour me lever et m’habiller.

Si personne ne veut m’aider, je compte bien comprendre par moi-même.

En refusant de reprendre le mas, Denis a coupé les ponts avec sa famille. Quant à la mienne, ils m’ont demandé de sortir de leur vie le jour où ils ont appris que j’étais enceinte de Tess. Je n’ai pas à chercher de ce côté-là non plus.

En décidant d’appeler le cabinet comptable de Denis, je réalise que les bureaux n’ouvrent pas avant 8h30. Impossible d’attendre. Il arrive parfois à Denis de partir travailler tôt. Ils ne répondent pas au téléphone, ne reçoivent aucune visite, alors ils en profitent pour avancer. Bien décidée à tenter ma chance, je saute dans mon véhicule. Dans la précipitation, j’oublie mon manteau. Peu importe, la douleur me rend insensible au froid. Vingt minutes plus tard, je me gare sur le parking. A mon grand soulagement, des fenêtres sont éclairées.

Je sonne.

Rien.

J’insiste.

Toujours aucune réponse.

Loin de me laisser abattre, je décide de tambouriner à la porte. Celle-ci finit par s’ouvrir. Un homme âgé d’une cinquantaine d’année, cheveux hirsutes, apparait visiblement contrarié.

- Ce n’est pas fini ce cinéma ! Vous allez finir par ameuter tout le quartier. On ne vous a pas appris qu’il y avait des horaires à respecter ?

- Monsieur, je…

- Revenez plus tard !

Alors qu’il s’apprête à me claquer la porte au nez, j’avance d’un pas. A bout, je sens mes nerfs lâcher.

- Mon mari a disparu. Il travaille ici. Vous comprenez, j’ai besoin de savoir si l’un de vous sait où il se trouve. L’homme en face de moi me croit folle. Je le sens.

Il hésite.

- Comment s’appelle votre mari ?

- Denis Blanchard.

Toute trace de compassion disparait de son visage. L’homme me mitraille du regard.

- Conneries ! Denis Blanchard n’a jamais été marié.

- Pardon ?

- Maintenant, laissez-nous tranquille, sinon j’appelle la police.

La porte claque dans un bruit assourdissant.

Me voilà sur le perron. Seule.

Denis aurait fait croire à ses collègues qu’il était célibataire ? Pourquoi ?

Je sais que mon mari aime dissocier le travail et la famille. Mais de là à ce qu’ils ignorent mon existence. Je reste pétrifiée, incapable de réfléchir.

La sonnerie de mon portable me sort de ma torpeur.

- Oui !

- Inspectrice Landro à l’appareil !

- Vous les avez retrouvés ?

Silence au bout du fil. Puis :

- Madame, j’ai le regret de vous annoncer qu’aucun enfant répondant au nom de Tess Blanchard ne vit dans les environs. Nous avons examiné les registres, contacté les écoles, et…

- C’EST IMPOSSIBLE !

- Madame, vous devez vous calmer.

Incapable de parler, je raccroche et décide de foncer à la joaillerie. Mon patron connait Denis et Tess. Il saura m’aider. En franchissant le seuil, je vois son air étonné.

- Tiphaine !

- Je sais, j’ai une heure d’avance….

- Nous avions rendez-vous ?

- Hier j’ai pris ma journée, je devais reprendre ce matin. Mais…

- Non. Tiphaine, ça fait six mois que vous nous avez quitté.



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