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Hantises

3

Seule

- Denis !

Je sais, Tess est malade. Denis doit se trouver avec elle. Sans perdre une minute, je me rue dans la chambre de ma fille.

Le lit est vide. Ici aussi, les draps ne sont pas défaits.

- Tess !

Dans un état second, j’attrape la couette qui tombe lourdement sur le sol. Je vérifie sous le lit, dans la penderie. Je décide d’inspecter les autres pièces de la maison. Tout y passe.

Je hurle à plein poumons.

TESS !!!

DENIS !!!

Je sens la sueur me perler le front. Mes mains sont moites.

Que dois-je faire ?

Prévenir la police ?

Toujours en pyjama, je sors sur le perron. La voiture de Denis n’est plus là.

Où sont-ils parti ?

Je cours dans la cuisine. Aucun mot posé sur la table qui pourrait expliquer leur absence.

Pourquoi Denis ne m’a pas réveillé ?

Soudain, mon regard s’arrête sur une porte. Il y a une pièce que je n’ai pas vérifié.

Le garage.

Cette scène me ramène des années en arrière.

Le cauchemar recommence !

Impuissante, je sens les souvenirs affluer dans ma tête.

Suis-je en train de devenir folle ?

Incapable de tourner la poignée, je m’écroule sur le carrelage.

Me revoilà plongée dans les méandres d’un passé d’une noirceur implacable. Cette cicatrice que j’ai eu tant de mal à apaiser à coup d’anxiolytiques vient de s’ouvrir. Formant un trou béant dans lequel je me sens aspirée.

Les images remontent à la surface, m’obligeant à revivre ce que j’ai eu tant de mal à enfouir.

Je me revois endormie dans ma chambre. A neuf ans, je dors toujours les volets ouverts. Non pas par peur, à cet instant ce mot ne fait pas encore parti de mon vocabulaire, mais parce que j’aime m’endormir en observant les étoiles. Soudain, je me réveille. J’entends un bruit sourd. Puis un grincement. Je supplie l’enfant que j’étais de ne pas y prêter attention.

Non, n’y va pas.

Reste ici !

Mais je sais qu’il n’y a rien à faire. Curieuse, inconsciente, je me lève. Je me retrouve dans ce couloir sombre, comme si les ténèbres venaient déjà de me happer.

Toujours ce bruit.

Je finis par comprendre que ça vient du garage. Je pourrais foncer dans la chambre de mes parents. Mais je n’en fais rien.

J’ouvre la porte qui mène au sous-sol et commence à descendre les marches.

Remonte, je t’en supplie remonte.

Le bruit s’intensifie.

Arrivée en bas, je trouve l’interrupteur. Sans la moindre hésitation, j’allume.

Confrontée à la pire des horreurs, j’ai l’impressions de recevoir un coup de poignard en plein cœur.

Mon père.

Sur le coup, il me donne l’impression de danser dans le vide. Puis je vois la corde qui crisse sous son poids.

Alertée par mes cris de terreur, ma mère finit par descendre.

L’enquête conclue rapidement à un suicide. Criblé de dettes de jeu, mon père savait que ma mère comptait le quitter. A cette époque, contrairement à lui, j’ignore qu’elle a un amant.

Pour surmonter le choc, je subis deux mois de thérapie. Internée dans un établissement, gavée de pilules, je deviens l’ombre de moi-même. A mon retour, j’apprends que ma mère vient de se remarier avec son patron. Le dentiste chez qui elle travaille comme assistante.

Après des années d’errance, Denis m’aide à remonter la pente. Dès le début, ma mère et mon beau-père voient notre relation d’un très mauvais œil. Denis descend d’une grande famille d’ostréiculteurs qui selon une rumeur infondée, entretient des liens avec la mafia. Sa vie est toute tracée. Le bac littéraire en poche, je m’apprête à entrer à l’université lorsque je tombe enceinte. Répudiée par ma propre famille, je dois dire adieu aux études supérieures. Denis choisi par amour, de tourner le dos à l’entreprise familiale et de partir avec moi.

Peu à peu, les images s’estompent pour laisser place au présent.

Je dois me reprendre. Péniblement, je réussie à me relever. Refusant de laisser les souvenirs me submerger, j’ouvre la poignée.

Le garage est vide.

Je referme la porte, et fouille dans mon sac pour récupérer mon téléphone. Fébrile, je compose le numéro de Denis.

Le message que j’entends me glace le sang.

Une voix monocorde m’annonce que le numéro demandé n’est pas attribué.

Impossible !

On nage en plein délire.

Sans perdre une minute, je contacte la police. On m’informe que deux agents sont dépêchés à mon domicile. Ils ne devraient pas tarder. Dix minutes plus tard, un homme et une femme habillés en uniforme sonnent à ma porte.

- Inspectrice Landro. Et voici mon équipier, l’inspecteur Bouvier. Pouvons-nous entrer ?

- Oui. Mon mari et ma fille ont disparu.

L’inspectrice, une femme d’une quarantaine d’années, tout en muscle comme son co-équipier, reprend la parole.

- Votre mari est majeur. Nous n’avons aucune raison d’intervenir. Cependant, en ce qui concerne votre fille, nous allons faire notre possible pour vous aider à la retrouver. Quand l’avez-vous vu pour la dernière fois ?

Je peine à articuler.

- Hier soir. Nous avons couché notre fille dans son lit. Tout allait bien. Cette nuit je me suis réveillée. Denis et Tess avaient disparu.

- Vous êtes-vous disputé ? S’est-il passé quelque chose de particulier ?

- Non. Je vous répète que tout allait bien.

Son collègue fait le tour de la maison avant de revenir vers nous. Il chuchote des paroles inaudibles à l’oreille de sa coéquipière. Celle-ci se tourne vers moi, visiblement gênée.

- Madame, vous disposez bien d’une chambre d’enfants, mais tout porte à croire que vous vivez seule.


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